« L’homme qui protège la nature se protège lui-même ». Proverbe sud-américain
La prise de conscience écologique oblige à s’intéresser aux relations que l’homme entretient avec la nature. Ces rapports de l’homme à la nature ont connu des évolutions, voire des bouleversements, et il convient aujourd’hui de les repenser dans les perspectives actuelles. La question des liens entre l’homme et la nature conduit également et inévitablement à repenser la relation de l’homme avec les autres. La valeur qu’un homme met dans ses relations à la nature conditionne, en partie, ses relations aux autres hommes. Voilà en partie l’objet de la conférence donnée par Patrick Blandin, professeur émérite, au Muséum d’histoire naturelle, dans le cadre d’un cycle de conférence « Vivre et penser la biodiversité ».
Dans le cadre de son exposé, P. Blandin a insisté sur le fait que penser nos relations à la nature, c’était penser nos relations aux autre. Il a ainsi soulevé plusieurs questions importantes et problématiques.
D’une part, comment penser nos relations à la nature entre anthropocentrisme, écocentrisme et biocentrisme ? Quel équilibre doit-on trouver entre la valeur homme et la valeur nature ? Si l’homme doit penser à se protéger, un déséquilibre en sa faveur conduira à une destruction de l’environnement et donc la destruction de l’humanité. C’est la question de l’épuisement des ressources qui conduit à l’épineuse et embarrassante question de la limitation de l’espèce humaine sur la planète. A l’inverse, si la valeur nature est placée trop haut, alors les idéologies anti-humanistes pourront se développer contre l’homme, le plus grand prédateur, destructeur, de la nature. C’est le fondement des thèses de terrorisme écologique. Enfin, la valeur de la nature doit-elle se réduire à sa valeur économique ? S’agissant de la biodiversité, P. Blandin relève sa valeur de réserve pour l’adaptation et donc la survie des espèces.
D’autre part, quelle conception adopter entre conservation, stabilité, équilibre, et évolution, changement, adaptation ? De ce choix, dans lequel la science aura un rôle essentiel, va dépendre pour beaucoup la nature de notre action éthique en faveur de l’environnement : protection, sauvegarde, préservation, etc. C’est la différence entre la constitution de réserves écologiques et l’intégration de la nature, de l’environnement dans la vie et les activités humaines. La nature n’existe-t-elle que dans des zones réservées, protégées ou peut-elle se rencontrer au coeur même de la ville ?
Enfin, comment accepter de dépenser des millions d’euros pour sauver le pique-prune, petit scarabée qui a fait reculer les bulldozers des autoroutiers, quand de l’autre côté de la mer et même au coin de la rue, des hommes, des femmes et des enfants meurent de faim, de froid, de sécheresse. etc. Question un peu simpliste, voire démagogique, mais question qui mérite d’être posée. C’est d’ailleurs cette thématique qui transparaît dans le film de Nicolas Hulot, « le syndrome du Titanic ». En effet, pour celui qui s’intéresse à la défense, à la protection ou à la sauvegarde de l’environnement, la prise de conscience de la crise humanitaire mondiale qui se joue concomitamment est inévitable et parfois violente. Et de là vient le sentiment de culpabilité et de honte, ou ce que Pascal Bruckner appelle la « tyrannie de la pénitence ».
Ainsi apparaît la nécessité absolue de construire une éthique nouvelle capable de définir nos rapports à la nature, donc la protection corollaire de l’environnement, donc l’encadrement juridique nécessaire. Une éthique également capable de définir nos relations aux autres, présents et à venir, tout en nous sortant de l’opposition stérile entre indifférence égoïste et altruisme culpabilisateur.
Cette éthique devra se construire entre les principes moraux de ce qui est bien et de ce qui est mal, mais aussi en tenant compte, dans une juste mesure, des théories scientifiques établies ou supposées, mais encore au regard des considérations politiques et humanitaires, et enfin, si possible, à une échelle supranationale, voire mondiale et universelle .
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