Symptomatique de la crise du progrès et de la crise de confiance que suscite la science, la question de l’expertise sanitaire et environnementale était au coeur du colloque Innovation et Précaution.
Cette expertise se trouve le plus souvent à la base de la décision publique voire de la norme. Or cette expertise reste à la bonne volonté des décideurs mais surtout des industriels, demandeurs d’autorisation et qui fournissent alors le minimum d’informations, faute d’exigence spécifique ou de règles claires en la matière. Cette absence de règle, d’exigence dans la qualité et dans la légitimité de l’expertise préalable fait le lit de la perte de confiance et du discrédit des experts.
Dans ce domaine où règne l’incertitude scientifique, source d’inquiétudes et de débats, pour ne pas dire de conflits idéologiques, la définition d’une expertise fiable, loyale, transparente et dont les conditions et critères seraient validés par l’ensemble de la communauté scientifique, est fondamentale afin de redonner sa justification à la décision publique, mais surtout de restaurer la confiance sociale.
De plus, l’expertise doit se garder de décider ce qu’il faut faire ou pas, c’est-à-dire de tomber dans l’écueil de trancher ces sujets sensibles, ce qui reviendrait à lui faire assumer la responsabilité de ces décisions. La science ne doit pas faire la loi, ce n’est pas sa responsabilité et encore moins sa légitimité. L’expertise doit rester un outil d’aide à la décision, décision revenant aux seules autorités compétentes, en particulier dans ces domaines où les connaissances scientifiques actuellement disponibles ne permettent pas d’apporter tous les éclairages nécessaires sur des sujets polémiques. Il est donc essentiel de définir et de borner l’expertise afin de ne pas en attendre ce qu’elle ne peut donner.
Pour reprendre les propos de Me Huglo, l’expertise pratiquée dans un cadre judiciaire, mise en place lors d’un contentieux, peut être source de riches enseignements. En effet, cette expertise doit répondre à des règles strictes participant de la garantie du procès équitable. Ces règles sont
- définition préalable par le juge, autorité externe, de la mission de l’expert, c’est-à-dire que l’on définit avant la question à laquelle l’expertise est tenue de répondre; cette mission est censée poursuivre la recherche de la vérité ;
- respect du contradictoire, qui passe notamment par la communication de toutes les pièces aux parties, l’obligation pour l’expert d’entendre les parties mais aussi le dépôt d’un pré-rapport, la possibilité d’émettre par des dires et la réponse de l’expert
- indépendance et impartialité de l’expert, notamment par la définition d’une certaine éthique de l’expert ;
- recours à un ou des sapiteurs, c’est-à-dire lorsqu’une question dépasse la compétence de l’expert, celui-ci fait appel à des sachants ;
- possibilité de contre-expertise si la première expertise ne respecte pas ces règles et porte ainsi atteinte aux droits d’une des parties.
L’expertise judiciaire ne lie pas le juge, qui réaffirme dans une jurisprudence constante qu’il n’est pas soumis à l’avis de l’expert, qui reste un simple avis et non une décision judiciaire. Il n’appartient, en effet, pas à l’expert de se prononcer sur les responsabilités mais de constater des faits. De la même manière, l’expertise sanitaire et environnementale ne doit pas lier le politique qui demeure la seule autorité à pouvoir trancher la balance bénéfices/ risques.
Enfin, la question du financement est source de conflit d’intérêt. En matière judiciaire, cette expertise est à la charge du demandeur jusqu’à ce que la décision sur la responsabilité soit rendue. Si le défendeur est reconnu responsable, il assume le coût de l’expertise. En matière d’expertise sanitaire et environnementale, il est envisageable de mettre à la charge du demandeur, c’est-à-dire les industriels, le coût des expertises. A partir du moment où les règles ci-dessus énoncées, notamment la présence d’un expert totalement indépendant du demandeur, sont respectées, le financement ne devrait plus être source de conflit.
Je trouve ce dernier papier absolument remarquable. Ce blog mérite vraiment le détour. On ne peut que regretter l’absence de juristes et de cindynistes dans l’anticipation des crises et la gestion des risques. Pour les premiers c’est les réduire à la judiciarisation /sanction et les autres c’est les cantonner au role inutile de Cassandre ou d’experts de commission d’enquête qui n’éclaire pas plus et pas mieux le nouveau prochain scandale… Car les mêmes causes engendrent les mêmes effets!!! Et si on changeaient ceux qui s’expriment toujours pour dire les mêmes bêtises pour les remplacer par d’excellents professionnels qui s’expriment sur les blogs ?